J'ai eu l'honneur et le plaisir de répondre aux questions de Nicolas Winter sur l'incontournable site Just A Word.
J'y parle de littérature taïwanaise, de SF sinophone, et de la traduction comme acte politique.
Extraits :
Interview Gwennaël Gaffric
Taiwan connection
Dans le domaine littéraire, tu es à la fois traducteur et directeur de la magnifique collection Taïwan Fiction chez L’Asiathèque.
Comment en es-tu venu à t’intéresser à la langue chinoise et taïwanaise ainsi qu’à ces cultures/littératures en particulier ?
J’ai commencé à apprendre le chinois à l’université, en 2004. Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais été particulièrement fasciné par la Chine ou par l’Asie en général. Je crois en fait que c’est un ensemble de facteurs qui m’a poussé à faire ce choix un peu plus original à l’époque qu’il ne l’est devenu aujourd’hui.
À la sortie du lycée, j’avais envie d’étudier plein de choses : la littérature, la philosophie, les langues, les sciences politiques, le cinéma… la perspective d’étudier une langue étrangère permettait d’offrir une diversité d’approches qui me convenait très bien. Évidemment, j’étais convaincu que la Chine était l’autre « pôle de l’expérience humaine » (comme le dit Simon Leys) et que pouvoir l’appréhender ouvrait des alternatives radicales au modèle occidental que — comme tout lycéen un peu engagé — je rejetais par principe. Il y avait donc une bonne part de désir d’exotisme, d’aspiration à m’initier à l’Altérité ultime dans mon choix de faire du chinois à l’université. Fort heureusement, j’ai un peu revu mon jugement, et j’ai plutôt appris par la suite à percevoir ce qui nous liait plutôt que ce qui nous opposait, mais je me dis que c’était quand même une bonne raison d’apprendre une langue étrangère !
En ce qui concerne spécifiquement Taïwan, mon université (Lyon 3) proposait à l’époque des cours de taïwanais (aussi appelé hokkien, qui fait partie des langues chinoises). Les cours de cantonais étant déjà pleins (j’avais un faible pour le cinéma hongkongais des années 1990), je m’y suis inscrit un peu par défaut. Et, là, le coup de foudre : mon intérêt pour Taïwan a grandi assez naturellement, jusqu’à ce qu’elle devienne aujourd’hui une partie non négligeable de mon identité. Mais je précise que, contrairement à certains de mes amis militants, mon amour pour Taïwan n’a jamais signifié le renoncement à ma passion pour la Chine.
Mon attirance pour les littératures sinophones était une évidence : j’ai toujours été un grand lecteur !
Quand et pourquoi t’es-tu mis à la traduction ?
Ma toute première expérience de traduction « professionnelle » date de 2011. Une professeure m’avait conseillé la lecture d’un roman de Wu Ming-yi (auteur dont je n’avais jusqu’ici lu que des nouvelles) : Les Lignes de navigation du sommeil. Je suis tombé sous le charme et j’ai été pris d’un désir irrésistible de le traduire. J’ai réussi à trouver le numéro de téléphone de l’auteur (qui n’avait jamais jusque-là été traduit en langues étrangères, et qui n’était pas très connu au sein de la scène littéraire taïwanaise). Étonnamment, avec le recul, il a accepté que le petit étudiant anonyme que j’étais le traduise. J’ai obtenu une aide à la traduction du Musée de la littérature taïwanaise, et l’éditeur/librairie (en fait, beaucoup plus librairie qu’éditeur) Youfeng m’a dit « OK » (c’était le seul, cela dit). Puis je me suis chargé de tout le reste : la traduction, la mise en page, la cession des droits… même l’image de couverture est une peinture de ma maman faite spécialement pour la traduction ! L’expérience a été très formatrice, et j’ai pu mesurer toute l’importance de l’investissement d’un éditeur (mais bon, même dans les grandes maisons d’édition, le travail éditorial laisse parfois à désirer). Toujours est-il que j’ai pour cette première traduction une affection particulière, j’en suis très fier, même si je sais que j’aurais pu faire mieux (d’ailleurs, si les lecteurs qui nous lisent en ont envie, je suis prêt à envoyer gratis un fichier pdf de la version révisée !).
C’était le début de ma petite carrière de traducteur (il me faut depuis ma dope quotidienne), et de façon amusante, ça a coïncidé avec le lancement de la carrière d’écrivain de Wu Ming-yi, qui est aujourd’hui un auteur majeur de la scène littéraire taïwanaise, et l’écrivain taïwanais le plus traduit à l’étranger ! Accessoirement, j’ai aussi écrit ma thèse sur son travail…
(entretien complet sur le site Just A Word)
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